Clair Obscur – Expédition 33 : Le joli tableau

Affiche du jeu Clair Obscur - Expédition 33

 

Annoncé en grandes pompes en 2024 au XBox Games Showcase, Clair Obscur : Expédition 33 nous montrait un jeu se passant dans ce qui semblait être un Paris brisé à la tour Eiffel tordue où chaque année, l’âge peint sur un monolithe condamnait l’entièreté des personnes de cet âge là à une mort directe et ineluctable. Chaque année en réponse à cette injustice causée par l’immense peintresse d’environ une tour Montparnasse et demie de haut, une expédition part direction le continent pour essayer de mettre fin à cette horreur et vous êtes une équipe de l’Expedition 33. C’est là toute la base du scénario de ce jeu.

Peindre la beauté de la mort

Note : Cet article contient quelques spoilers. Je vous remercie d’avance pour votre compréhension.

Dès les premières minutes du jeu, on constate que Sandfall Interactive, le studio dont c’est le tout premier jeu fondé notamment par des anciens d’Ubisoft, a mis le paquet. L’histoire semble unique, on commence directement sur les toits d’un Paris (enfin, de Lumière) qui met une baffe à toutes les plus belles vues de Bretagne. Dès les premières secondes on découvre un univers chaotique sublime et des personnages qui nous impliquent directement dans l’histoire sans trop nous en dire avec une VF absolument magistrale dès les premières secondes (la VF c’est ma VO sur ce jeu). On comprend donc qu’aujourd’hui Gustave va offrir une rose à Sophie, celle qu’il aime, pour l’accompagner durant la cérémonie du Gommage. Le jeu nous montre alors les bases du déplacement, tout simplement, sans nous prendre la tête avec des tutos imbouffables, en suivant Maelle sur les toits de Lumière pour aller jusqu’au point de rendez-vous avec Sophie. Et c’est en courant sur les toits que le jeu nous en remet une couche : c’est beau. Le jeu est beau et il le sait, il ne fait que commencer à nous en mettre plein les yeux.

La vue de Lumière et de la Tour Eiffel
Lumière outragé ! Lumière brisé ! Mais Lumière libéré !

Nous parcourons les rues de Lumière en compagnie de Sophie, découvrant l’univers du jeu resté dans un genre de Paris des années 30 Art Déco, on peut déjà commencer à accomplir quelques petites quêtes annexes ce qui nous montre une des directions du jeu : l’exploration est toujours récompensée et mène parfois au combat (qui est récompensé également). Enfin arrive le moment où on assiste impuissant à la mort par gommage de dizaines de personnes dont Sophie et on ne désire alors qu’une chose : la vengeance. Le jeu est maintenant lancé, il ne nous reste plus qu’à nous préparer et foncer pour réussir là où les autres expéditions ont échouées : tuer la Peintresse et arrêter ces vagues de licenc les gommages.

Aucune ombre au tableau

Le bâteau de l'expédition se dirige vers le monolithe où est peint le numéro 33 après le gommage
A l’aventure compagnons, je m’en vais vers l’horizon…

Dès les premiers instants arrivé sur le continent, on découvre que le monde dans lequel on met les pieds est non seulement hostile mais surtout absolument impitoyable et les premières questions qui vont se cumuler jusqu’au climax du jeu commencent à se bousculer. La force du scénario de Expédition 33 tient dans les questionnements que l’on peut avoir vis a vis de ce qui se passe et qui nous pousse à vouloir en découvrir plus, mais les personnages sont extrêmement attachants aussi. L’histoire fait d’énormes yoyo entre des moments tristes et des moments plus heureux, on a parfois cette impression d’être dans une colonie de vacances survivaliste, impression poussée par cette carte du monde qui ne demande qu’à être parcourue et explorée, pour compléter les journaux des expéditions précédentes et comprendre ce qu’iels ont vécu, les infos qu’elles ont découverte etc mais pas que. Le jeu propose des cosmétiques aux différents personnages, des combats plus difficiles pour obtenir de nouvelles compétences à apprendre, etc. Ne pas explorer dans le jeu et aller direct d’un point A à un point B est possible mais rendra rapidement le jeu plus difficile qu’il ne l’est vraiment et fera passer à côté de compétences et d’armes essentielles pour réussir aisément jusqu’à la fin. Si ce n’est pas dit explicitement in-game, explorez est la clé de la réussite.

Gustave portant des lunettes noires et regardant vers le sol
« Est-ce que j’ai coupé le gaz en partant ?.. »

Outre l’exploration, les combats vont se montrer rapidement plus difficile si on ne s’y concentre pas un peu. Expédition 33 propose en effet une modernisation plus que bienvenue des combats en tour par tour. Sans être totalement novateur et en reprenant un petit peu de ce qu’on connaît déjà des Persona, notamment, les combats sont ce que j’appellerais du « tour par tour semi actif ». En effet si dans d’autres jeux du genre, le tour par tour est brut et ne nécessite rien d’autre que de la chance (parfois) et de la patience (souvent), ici Sandfall Interactive nous a concocté un tour par tour qui empêche de pioncer devant, concrètement il va falloir apprendre des patterns (ou bien suivre les sons du jeu) pour esquiver et/ou parer les attaques ennemies et réussir à contrer en engranger ainsi un maximum de dégâts. Sans être parfait (les animations poussent parfois à l’erreur et le manque de connaissance de patterns de certains ennemis peut faire perdre un combat directement), il s’avère que ce système est tout de même incroyablement dynamique et dépoussière totalement une formule telle qu’on la connait depuis environ 40 ans.

Expédition 33 nous promet donc des heures de jeu moderne avec une sauce à l’ancienne, le genre qui nous rappelle de bons moments de jeunesse alors que c’est bien nouveau bien neuf et j’y ai passé de (trop) nombreuses heures à m’enjailler, à combattre, à chercher des solutions pour passer des difficultés, à m’amuser avec les pictos, les luminas et les compétences pour essayer de créer des combinaisons puissantes et marrantes à jouer. Et j’ai aussi passé des heures sur les mini-jeux.

Petits ombrages sur un temps ensoleillé

Gustave en marinière bretelles baguette dans le dos et avec une casquette rouge sur la tête regarde les corps d'une ancienne expédition décimée et au milieu de ces corps, leur journal.
Les journaux nous permettent de savoir ce qui est arrivé aux anciennes expéditions

Les développeurs se sont vraiment fait plaisirs sur ce jeu. Ils y ont mis beaucoup d’âme, de temps et ont réellement un talent rare dans l’industrie du jeu vidéo moderne, surtout pour un jeu de cette envergure, qui fait rudement plaisir à voir. On découvre tout un monde incroyable, aussi beau que glauque, impitoyable mais fantastique malgré tout. Dans ce monde vivent les gestrals (je vais revenir dessus plus en détail un peu plus loin) qui sont des êtres aimant LA BAGAR™ et faire un peu de troc (pour se battre plus fort). Nous sommes amenés à les rencontrer à de très nombreuses reprises car, si les cadavres des anciennes expéditions perdus un peu partout dans la pampa sont présent, il n’y’a bien qu’eux de parfaitement vivants et extrêmement joyeux au demeurant. Il s’avère que la carte du monde cache quelques plages où les gestrals s’entrainent à devenir meilleur ce qui nous amène à des mini jeux. On trouve de la plateforme, des jeux à réflexe et… de la plateforme. Et c’est super que les dev nous proposent des petites sessions rigolotes à la musique rythmée dans un cadre « idyllique », mais le jeu n’est pas DU TOUT prévu pour de la plateforme et on s’en rend compte très rapidement, avant même ces mini jeux, mais faire des mini-jeux quasi exclusivement basés là-dessus c’est très frustrant et franchement peu plaisant sur le long terme (je ne reviendrais même pas sur le mini-jeu du volley-ball qui pour le coup, lui, n’est même pas de la plateforme et s’avère quasiment impossible à terminer), malheureusement si votre plaisir, c’est de compléter entièrement des trophées dans un jeu, il va falloir vous y coller. Rassurez-vous ce n’est pas impossible. C’est juste long, difficile et assez peu fun quand on galère (le only up et le volley-ball sont de très loin les pires, cependant) mais ça permet aussi de voir que les gestrals se donnent des défis impossibles pour devenir toujours plus puissants et se bagarrer toujours plus forts.

Un gestral assis au milieu des flammes qui dit "Tout va bien" (référence au meme du chien assis dans les flammes avec une tasse disant "This is fine")
Les gestrals font des références à des mêmes connus parfois

Maintenant qu’on a parlé de ça et qu’on a évoqué les gestrals, je vais rentrer dans un sujet qui a été évoqué et que j’ai vu passer à plusieurs reprises sur les réseaux sociaux (ce thread notamment) : le jeu serait colonialiste et mysogine.

Alors il ne serait pas « colonialiste » au sens strict du terme mais exciterait une image colonialiste telle qu’on a pu en connaitre dans Tintin au Congo ou d’autres oeuvres (franco-belges notamment) de la même époque. Les gestrals parlent en effet une langue composée de français/espagnol/italien et probablement un peu de latin, ils sont présentés comme un peuple sauvage aux traditions violentes, vivant dans l’idée qu’on se ferait de « cases » et ne sachant pas parler autrement qu’avec un dialècte de langues de pays coloniaux. Ils sont montrés goofy et ont l’air d’avoir une vie sans réels problèmes, au contraire de nos personnages qui sont civilisés et ont une mission extrêmement sérieuse et importante. Je suis assez d’accord avec ce que disent Ache et d’autres, c’est malheureusement un trope fréquent dans les JRPG et même dans l’imaginaire global occidental. Pour ma part, sur ce sujet je suis assez peu déconstruit malheureusement et c’est la raison pour laquelle j’ai décidé de l’aborder dans mon article, je ne voyais que des personnages cedar à tête de pinceau faisant penser aux fétiches africains, avec le recul je comprends que cela peut représenter plus et que ça peut être problématique, en parler me semble important pour justement éviter au maximum de répandre cet imaginaire colonial.

Par ailleurs le jeu serait mysogine, sur ce point je suis moins d’accord, certes au début le jeu met l’accent sur Gustave mais les personnages féminins sont le moteur du jeu, sans ces personnages il n’y’aurait littéralement pas de jeu. Autant en antagonistes qu’en protagonistes, les personnages féminins ouvrent l’intrigue, font avancer l’histoire et il est vrai que l’écriture est parfois mysogine (j’aimerais beaucoup qu’on reparle de ce dialogue avec Sciel qui, littéralement après avoir parlé de son mari et de son enfant mort alors qu’elle n’a pas l’air d’aller bien du tout, propose du bon gros sexe derrière les rochers au seul personnage masculin…) il n’en reste pas moins que les femmes sont ce qui fait avancer le jeu du début à la fin, que ça soit avec Lune qui réveille Gustave, ou Sciel qui pousse joyeusement le groupe à avancer ou même Maëlle qui a un pan narratif entier qui ne tourne qu’autour d’elle, il n’y’a réellement que dans les dialogues que ça peut être parfois mysogine mais réellement, les femmes ne sont pas montrées comme des faire-valoir ou des trophées, elles sont bien plus souvent montrées comme fortes. Il y’a probablement possibilité de faire mieux pour l’écriture des persos féminins, je ne dirais pas le contraire, mais je ne suis pas d’accord sur le fait que le jeu serait foncièrement mysogine. Une relecture des dialogues par des concernées n’aurait cependant pas été de trop malgré tout.

Quelques retouches et il n’y paraitra plus

Lune observant la Tour Eiffel courbée
Le jeu possède de très nombreux panoramas magnifiques et surréalistes

Expédition 33 est donc un jeu incroyable, j’y ai passé des dizaines d’heures pour le poncer au maximum, même si certains moments s’avèrent très difficiles et frustrant le jeu se montre malgré tout accessible et dynamique, il est sublime à tous les niveaux et la musique est incroyable. Il y’a eu de nombreuses discussions sur le studio Sandfall Interactive qui aurait apparemment eu un capital financier conséquent pour mener à bien la production du jeu comme si on découvrait qu’il fallait mettre de l’argent pour sortir un jeu et qui plus est de cette envergure et je ne tiens pas à y revenir. Si le jeu est absolument génial, il est pour moi l’un des meilleurs jeux du genre depuis des années et deviendra probablement un standard pour les années à venir, je tenais tout de même à revenir sur ce qui avait été pointé par certaines personnes concernant notamment l’aspect colonialiste, car je pense qu’il est important de comprendre que, même si on peut se douter que ce n’était pas l’intention des designers, ces biais existent et doivent être évités ou pris à contrepied. Ca ne gâche pas l’expérience de jeu à mon sens, mais ça n’empêche pas de devoir en parler car c’est une réalité et qu’on peut toujours mieux faire sur ces sujets.

Une zone nocturne où l'on peut voir une proue de bâteau flotter sous la lumière de la lune et des lanterne éclairant doucement un peu partout, la zone en elle-même respire la tranquilité.
Un paysage chaotique mais paisible sous la lumière de la lune

Clair Obscur : Expédition 33 reste, malgré les quelques défauts que j’ai pu aborder précédemment, une expérience incroyable et un plaisir complet. Sans être un renouvellement total du genre, il montre ici de solides bases et une profonde compréhension des mécanismes de gameplay des JRPG, le scénario est solide et très intéressant et la DA est magnifique. Concrètement, si vous aimez les jeux de rôles, si vous aimez les histoires intriguantes et passionnantes, ce jeu est fait pour vous et je vous recommande fortement d’y jouer à la moindre occasion.

 

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